Le Cochon des présidents

Récit d’une initiation de gros porcs

Excités comme des puces, c’est avec l’œil pétillant que nous nous aventurons sur les terres lotoises. Au programme pour les deux jours à suivre : tuer, découper et transformer un cochon. Pour cet atelier qui ne manque pas de caractère, le très expérimenté Francis sera notre mentor. Natif du Quercy Blanc, Francis nous guide sur les chemins des Causses jusqu’à une ferme reculée. Là, le cochon (qui sera discrètement nommé Henry pour ses derniers instants) nous attend, vautré dans un enclos à côté d’un foyer dont nous ravivons les flammes afin que l’eau du chaudron posé dessus se mette à bouillir. Henry est une belle bête d’environ 140 kg qui a été élevée en plein air. Alors que le feu crépite, Jean-Michel alias Tonton Ricard, notre exécuteur en chef, fait son entrée pour effectuer sa macabre mais indispensable besogne. Très peu de temps après, notre pauvre Henry a rendu son dernier souffle et l’essentiel de son sang.

Vendredi

Ruffer n’est pas tromper

Il est alors temps de « ruffer » le cochon, c’est-à-dire de lui ôter les poils à l’aide de racloirs et d’eau bouillante. Grâce à cette technique, en quelques minutes à peine, notre brave Henry se retrouve débarrassé de sa toison pour afficher une peau blême bien tendue. À présent propre et replacé sur son crochet, le cochon est ensuite vidé, coupé en deux, puis dépossédé de son chef. Les parties sont pesées : environ 100 kg de viande. Nous arrivons déjà à la mi-journée et nous devons laisser refroidir la carcasse pour qu’elle puisse être découpée.

Coup' Coup' !

Après un repas paillard en compagnie de nos précepteurs, nous voici de retour à la ferme où nous prenons un moment pour soigner les bestiaux. Certains atteignent les 230 kg et ils manquent tout juste de nous bouffer les doigts lorsqu’on les nourrit de farine et d’eau. Quand cette tâche est terminée, nous retrouvons Jean-Michel qui s’emploie déjà à débiter énergiquement la carcasse. Le geste est sûr, rapide, efficace. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les diverses pièces sont séparées dans des bassines : les jambons, ce qui sera dédié au pâté, à la saucisse, au friton et au boudin. Les côtelettes sont découpées à la scie avec précaution pendant que nous nous amusons avec un œil d’Henry négligemment jeté dans la brouette.

Une fois que toute la viande est chargée dans le Kangoo, nous prenons la route jusqu’au domicile de Francis. Notre mentor du jour est très bien équipé : pièce carrelée avec évacuation d’eau, crochets, tables de découpage… Nous étalons toute la viande avant de la couvrir d’un tissu pour qu’elle puisse refroidir au cours de la nuit. Une douche plus tard pour se débarrasser de l’odeur de frescun (apparemment c’est le parfum d’une assiette sale ou celle bien connue des tripes dans un abattoir), nous pouvons alors célébrer la fin de notre première étape avec quelques verres de Ricard en compagnie d’une chaleureuse équipe de copains.

Samedi

En début de matinée, nous retrouvons Francis et toute sa famille pour la transformation du cochon. Des équipes sont formées pour se partager les tâches : vérifier les boyaux, hacher la viande, faire la saucisse, les boudins, cuire la viande réservée aux fritons… On s’applique entre autre à faire de la grosse saucisse et le boudin, sans oublier de touiller la viande en cuisson. Au-dessus du chaudron bouillonnant, nous apprenons alors que si un récipient en cuivre est utilisé pour la cuisson, il ne faut jamais, ô grand jamais, le laisser sans supervision et remuer continuellement, au risque de s’intoxiquer ! Bon à savoir…
Quelques heures plus tard, la viande intégralement transformée, nous sommes invités à mettre les pieds sous la longue table de Marie-Jo, qui nous a préparé entre autres un plat de chevreuil avec des pommes de terre au sel cuites au four. Entre deux tranches, on prend un instant pour apprécier le moment : nous sommes pleinement dans l’identité de partage et de convivialité d’Aquilou qui nous tient tant à cœur. Repus, c’est au milieu de grands éclats de rire que nous échangeons nos eaux-de-vie respectives.

Dans l’après-midi, les boudins qui ont été cuits dans leur bouillon sont installés sur un lit de paille et les jambons, après avoir été salés et poivrés, sont mis à sécher sur la cendre dans la cave.

Alors que les pâtés commencent leur stérilisation et que le friton est mis au frais pour se figer, nous entamons la vaisselle de tout le matériel. Avec un tel équipement et de la volonté collective, c’est une formalité. Sous un doux soleil, il est alors temps d’échanger une série de bises reconnaissantes.

Un grand merci à Francis et à sa famille pour l’accueil chaleureux, le soutien à l’asso par l’acquisition de tabliers Aquilou, mais surtout pour l’apprentissage de la transformation qui, lui, n’a pas de prix.

Adishatz et à l’année prochaine !

Les présidents

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