Patoche La Broche

Nico raconte notre venu en terres aveyronnaises

Il y a quelques temps de cela, l’un des co-présidents des copains d’Aquilou (j’ai nommé Max « Braddock »), de passage à la maison, me disait son envie de se lancer dans la confection de l’un des – sinon le – fleurons de la pâtisserie rouergate (qui, reconnaissons-le, est plus riche en préparation à base de cochon que de sucre) : le gâteau à la broche. Quel ne fut pas mon plaisir à ces paroles ! Il faut préciser que j’ai grandi dans une petite ferme à Onet-le-château, à quelques kilomètres de la capitale des Ruthènes, et que parmi mes souvenirs d’enfant, la journée du gâteau à la broche tient une place toute particulière, au même titre que le week-end béni du sacrifice du cochon et de la merveilleuse période des foins. Dernière précision, d’importance celle-là pour ce qui va nous occuper : mes grands-parents m’ont légué deux exemplaires du moule si particulier que nécessite la fabrication du gâteau à la broche et sans lequel une telle aventure est tout bonnement impossible.

Si par quelque hasard malheureux l’un d’entre vous ignorait de quoi nous parlons ici, sachez que cet imposant et délicieux gâteau trône sur toute tablée de banquet aveyronnais (les raisons de faire bombance étant aussi nombreuses que de peu d’importance : mariage, anniversaire, « cousinade », méchouis…), et ce, en toute saison.

Rendez-vous était donc pris à la Sainte-Bernadette, pour un week-end pâtissier.

C’est en formation réduite (le Rouergue, bien que voisin du Quercy, n’est pas d’accès facile) qu’ont débarqué la veille du jour dit, deux des copains d’Aquilou : Braddock, donc, et Mat « le Couteau suisse » (et en effet, il est doté de divers accessoires volants et autres).

Temps de s'y coller !

La tâche étant de taille, et comme le dit fort justement l’adage « lo travalh se fà lo mati », nous nous trouvons sur le pont dès potron minet afin de s’acquitter de toutes les tâches d’ordre logistique, en premier lieu desquelles se pourvoir des mets nécessaires à quelques apports caloriques pour cette journée de labeur. Après un petit détour chez mon revendeur de produits locaux, et non sans quelques hésitations au rayon boucherie, nous optons finalement pour la simplicité : ce sera viande d’Aubrac, aligot, charcuterie et quelques fromages locaux. De retour à pieds d’œuvre, nous réunissons divers matériaux à notre disposition afin de fabriquer une rôtissoire digne de recevoir la broche : parpaings, grilles, tôles et chenets sont assemblés pour un résultat dont nous ne cesserons de nous réjouir. Le foyer étant opérationnel, nous nous empressons de lancer une belle flambée avant de passer à la préparation de la pâte.

Pour réaliser un gâteau de taille raisonnable, voici de quoi vous devrez vous munir :
C’est léger, vous dis-je ! Pour ce qui est de la marche à suivre, elle est d’une simplicité extrême, car il suffit de brasser les ingrédients dans un grand saladier jusqu’à obtention d’une pâte onctueuse et suffisamment liquide et dont vous aurez pris soin d’éliminer les éventuels grumeaux. Mais attention, pour parvenir à la légèreté requise, il vous faudra au préalable séparer les blancs des jaunes et ne les incorporer que dans un deuxième temps, une fois montés en neige. On rajoutera 2 sachets de levure et 3 à 4 sachets de sucre vanillé, ainsi qu’une bonne pincée de sel. Certains remplacent le sucre vanillé par des amandes, de la fleur d’oranger, du rhum ou autre vin de noix, pour ma part je préfère m’en tenir à la simplicité de la vanille. Mais ce sont là considérations d’ordre gustatif et chacun trouvera son plaisir à sa convenance.
Le mélange fin prêt, et les efforts fournis depuis le matin étant déjà conséquents, nous décidons de nous ravitailler avant d’affronter la partie la plus fastidieuse de la confection du gâteau : la cuisson. Non que cela soit techniquement difficile, (encore que : l’accroche des premières couches de pâte sur le moule pas assez chaud est délicate), mais bien par l’ampleur de la tâche. Car c’est bien 3 heures de cuisson qu’a nécessité ce monument de la diététique aveyronnaise. Oui, 3 heures ! Et bien évidemment, tout cela sans assistance mécanique.

Le moule entouré de papier sulfurisé (abondamment ficelé afin d’éviter les mésaventures) est ensuite généreusement enduit de beurre, et nous voici partis pour le marathon de la cuisson, non sans avoir glissé un petit plat style « léche-frite » sous le gâteau pour récupérer la pâte qui ne manquera pas de couler à chaque louche délicatement déposée.
Cette opération peut évidemment s’accomplir seul, surtout si vous décidez de succomber à la modernité et que vous fabriquez une broche motorisée (il paraît que les moteurs d’essuie-glace sont recommandés), mais je vous conseille tout de même d’opérer au minimum en binôme : l’un tournant la manivelle et le deuxième maniant la louche. Pour notre part, nous étions 3, ce qui nous a permis de nous relayer et d’avoir un soutien logistique essentiel (ravitaillement en boissons fraiches et entretien du foyer étant ses deux tâches principales).

3 bonnes heures plus tard, nos efforts sont récompensés et nous démoulons un gâteau à la broche de près de deux kilos, certes doté d’un petit embonpoint, en raison de difficultés techniques trop longues et peu intéressantes à expliquer. Mais si l’aspect visuel de notre « Patoche » ne correspondait pas tout à fait aux canons de la géométrie pâtissière (parler de pyramide en ce qui le concerne serait un mensonge, soyons honnête, nous étions plus proche du ballon de rugby), le goût, lui, était bien là. Et comme l’a si bien résumé Rosalie (7 ans) : « on s’en fiche qu’il soit pas très joli, l’important c’est qu’il soit bon ». On ne saurait dire mieux !
Nico

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